Histoire de raconter... sans succès
Pour la
première fois de sa petite vie, Crapaud a découvert qu'il pouvait faire froid. Je lui ai mis son gros manteau blanc et vu qu'il râlait un peu (il aime pas qu'on l'habille... un vrai petit mec... pas du tout le petit poupon modèle que j'avais imaginé pendant la grossesse) de ma douce voix de maman patiente, je lui ai expliqué pourquoi il devait porter ce
gros manteau plus lourd que lui et dans lequel il ne pouvait plus faire un
geste, ni plier ni agiter les bras, ni bouger la tête de gauche à droite ou de
droite à gauche sans risquer l’étouffement. Pourquoi le froid existe et
pourquoi il engourdit le bout du nez. Je me suis aussi avancée pour l’hiver
à venir : c’est quoi la neige et pourquoi elle tombe sur la terre et sur
la pelouse et sur les bâtiments et sur les voitures, pourquoi tout devient comme lui
dans son gros manteau blanc: immobile et silencieux. Bon ok j'ai beaucoup brodé hein, je ne suis pas vraiment une grande scientifique. Alors j'ai inventé des histoires de poussière magique perdue par les anges, du froid qui travaille à la conserver jolie et visible pour faire plaisir aux enfants et pour décorer la nature, qui la change en glace pour faire glisser les piétons, pour qu'il râlent, et qu'il s'arrêtent un temps pour l'admirer...
Mais d'après ce que j'ai pu en juger à son bout de nez rouge et à ses yeux à demi-fermés, le reste de sa personne restant invisible sous la grosse capuche et l'écharpe, Crapaud n'a pas été bien fasciné. J'ai fini par me moquer de mon bonhomme michelin miniature. Basse vengeance devant son désintérêt quand je me décarcasse à lui inventer de chouettes histoires, c'est vrai. C'est nul. Il est resté imperturbable derrière sa totote. Il a beau être né du dernier froid, il en a entendu d’autre…