Bonbons la tête sous l'eau
Pourquoi « La tête sous l’eau » ? Parce que pour moi, le premier bonheur, c’était ça :
Quand j’étais petite, du printemps à l’automne, dès que le
soleil réchauffait la terre et ne se contentait plus de juste l’éclairer, c’était
les baignades dans la rivière à côté de chez moi. Mon frérot et moi, on y
plongeait dès le matin, dès l’après-midi (jamais on n’a respecté les heures de
digestion, pas le temps), et dès le soir aussi, tout le temps, par tous les
temps, à partir de l’heure où on avait l’autorisation des parents.
Cette eau-là c’était le bonheur des vacances en été, des éclaboussures, de l’aventure,
du plein air. La tête sous l’eau, je ne voyais plus qu’en flou de gris, de
beige, de marron, de jaune, de vert surtout. J’étais purifiée par la fraicheur de l’eau,
soulagée du bruit du dehors, du poids de mon corps, entourée dans ma bulle de
fraicheur et de douceur, bercée, j’étais juste bien.
Je me souviens d’avoir lu quelque part l’expression « le plaisir des sens ».
Ca m’avait laissée perplexe. Je connaissais les cinq sens – la vue, l’ouïe, le
toucher, l’odorat, le gout – mais comment les contenter tous à la fois ?
Après mûre réflexion, j’avais emmené mes bonbons préférés à la rivière, m’en
étais mis plein la bouche, et j’avais plongé. J’avais l’ouïe (les oiseaux, le
vent dans les branches, le tout assourdi par l’eau dans les oreilles), le
toucher (du tout frais et du tout doux), la vue (du tout joli) et le goût (du
tout bon). Manquait l’odorat, sous l’eau c’est pas facile. Pourtant,
franchement, à l’époque, je ne voyais pas ce qu’on pouvait trouver de mieux que
la tête sous l’eau et la bouche pleine de bonbons pimousse !